Liaison Chimique et Valence

En 1860, Friedrich August Kekulé Von Stradonitz (1829 - 1896) recense qu'il y a environ 18 façons d'écrire l'acide acétique. Cela montre le manque d'unité de représentation et soulève des problèmes.

1) Emergence de la théorie de Valence

On relève ce problème pour la première fois chez Isaac Newton (1642 - 1727), en 1704, dans la question 31 de l'Optique.

Jöns Jacob Berzélius (1779 - 1848), en 1819, décrit les liaisons chimiques comme des interactions entre dipôles.

En 1834, Jean-Baptiste Dumas (1800 - 1884) et Auguste Laurent (1808 - 1853) montrent que les liaisons ne sont pas de types dipolaires. Cela met fin à la théorie de Berzélius, qui est alors remplacée par la théorie des types (= fonction chimique).

En 1852, Edward Frankland (1825 - 1899), chimiste inorganicien et fondateur de la chimie organométallique, parle de "capacité de saturation" ou "d'atomicité". Chaque élément a ainsi une certaine capacité d'échange avec les autres éléments.

2) Cas du carbone

Kekulé, en 1858, émet deux principes :

ATTENTION: LE CONCEPT DE LIAISONS MULTIPLE N'EST PAS ENCORE UTILISE (cela viendra en 1864 avec Alexander Crum Brown).

En 1858, Archibald Couper (1831 - 1892) a eu la même idée que Kekulé (mais avant lui). Il présente son papier à Charles Wurtz (1817 - 1884) (son patron) qui cache ses résultats. Kekulé publie donc ses résultats avant Couper qui ne le supportera pas.

3) Représentation structurale

En 1825, Michael Faraday (1791 - 1867) découvre un composé ayant pour formule CH. Ce produit, qui fut appelé benzène, posa des problèmes car il ne satisfaisait pas à la tétravalence du carbone. Alors que James Dewar (1842 - 1923), Claus et Albert Ladenburg (1842 - 1911) propose des modèles plus ou moins folkloriques, Kekulé résous ce problème en proposant son modèle en 1866 :

animation du benzene

Forme ferméeForme ouverte

Wilheim Korner (1839 - 1925) trouve un procédé astucieux pour identifier des composés aromatiques dibromé ortho, méta ou para . Il effectue une bromation de son aromatique et suivant qu'il obtient 1, 2 ou 3 produits, il sait quel dibromé il a :

Bromation d'un aromatique dibromé

4) Le Problème de l'insaturation

"La Valence peut être constante, variable ou divisible."

Pour Kekulé, elle est constante, UN POINT C'EST TOUT.

Certains chimistes, comme Frankland, considèrent une liaison chimique comme mécanique. Une double liaison ne peut donc être que plus forte qu'une simple. Néanmoins, cela ne colle pas avec la réalité expérimentale, car cette double liaison est justement plus réactive. Il faut donc accommoder ce résultat. Pour Kekulé, cette propriété s'explique par des "lacunes" restantes sur le carbone. Hofmann préfère considérer que des liaisons restent libres :

Modèle de Hofmann

Pour Frankland (1866), on parlerait plutôt "d'atomicités latentes".

En 1880, un autre chimiste, Lossen, préfère ignorer ces considérations pour effectuer ses synthèses. Pour lui l'éthylène c'est CH2-CH2, l'acétaldéhyde CH3-CH-O.

En 1885, dans la lignée de Frankland, Henry Armstrong (1848 - 1937) parle d'Atomicité résiduelle.

La même année, Johann Friedrich Baeyer (1835 - 1917) parle de forces de tensions qui croissent avec l'importance de la modification. Pour lui, un alcène est un cycle à 2 carbones, donc très réactif car la tension de cycle est énorme. Il a calculé la valeur de la tension des cycles de 2 à 6 carbones (il prend comme référence le carbone tétraédrique). Son idée était intéressante, mais il considérait les cycles plans, ce qui l'a amené à conclure que le cyclohexane était moins stable que le cyclopentane.

En 1899, F. K. Johannes Thiele (1865 - 1918) présente sa théorie de la valence partielle. Celle-ci permet d'expliquer la réactivité des molécules conjuguées.

CH2 = CH - CH = CH2 + Br2 ® BrCH2 - CH = CH - CH2Br

Pour lui, une double liaison est la superposition d'une liaison simple et d'une liaison partielle. Il reste donc une partie de lacune sur chaque carbone.

Modèle de Thiele

Ainsi, il trouve la délocalisation du benzène (sans toutefois la comprendre).