Histoire de la Biochimie
La biochimie, comme son nom l'indique (bio=vie), est l'étude des mécanismes vivants au niveau des réactions chimiques qui les gouvernent. De par le tabou posé par l'église sur l'étude des êtres vivants, la biochimie n'a démarré que tardivement. Louis Antoine de Lavoisier (1743 - 1794), en 1780, a montré que les animaux consommaient de l'oxygène, mais cette étude est resté en marge des travaux de l'époque qui consistaient essentiellement à de la classification. Ce n'est qu'au 19e siècle que la chimie s'occupe vraiment de la vie, au travers de ce qu'on appelle maintenant l'enzymologie.
1) Les enzymes - premiers pas d'une science nouvelle
En 1783, Lazzaro Spallanzani (1729 - 1799) étudia l'action du suc gastrique de requin sur les aliments. Il s'aperçoit que c'est le suc qui liquéfie la viande par réqaction chimique, et que les mouvement des parois de l'estomac ne sont pas nécessaire et que la température a une grande influence.
En 1815, Louis Joseph Gay-Lussac (1778 - 1850) décrivit la fermentation alcoolique.
C'est toutefois Anselme Payen (1795 - 1871) et Jean-François Persoz (1805 - 1868) qui découvrirent la première enzyme en 1833. Il ont traité un extrait aqueux de malt à l'éthanol et ont précipités une substance sensible à la chaleur. Cette substance était capable d'hydrolyser l'amidon. Ils l'ont appelé diastase (ethym : diastasis=séparation) car elle séparait le sucre soluble de l'amidon.
En 1834, Theodor Schwann (1810 - 1882) décrivit la pepsine. Il l'isola en 1836, alors qu'il étudiait les processus digestifs. C'est la premiere enzyme obtenue à partir d'un tissu animal.
En 1838, le Baron Charles Cagniard de La Tour (1777 - 1859) montra que la fermentation était causée par des organismes vivants. Cette idée fut confirmée et élargie par Louis Pasteur (1822 - 1895) de 1858 à 1871.
Pasteur, alors qu'il étudiait les cristaux d'acide tartrique, constata qu'une de ses solutions d'acide racémique, assez ancienne, déviait la lumière à cause de bactéries s'y étant développés. Il eu alors l'idée géniale de dire que seuls les éléments vivants étaient capables de produire des substances dissymétriques intrinsèquement optiquement actives.
2) La fermentation - établissement des notions de base
2 écoles se sont opposés sur les phénomènes liés à la fermentation :
Cette controverse ne prit fin qu'en 1897, quand Hans et Edouard Büchner (1860 - 1917) parvinrent à extraire de la levure un extrait acellulaire capable de fermenter le sucre en éthanol.
En 1860, Marcelin Berthelot (1827 - 1907) obtint, par macération de la levure, une fraction précipitable à l'alcool. Ce produit convertissait le saccharose en glucose. Il conclut que cette "invertase" était l'un des nombreux ferments contenus dans la levure.
En 1879, Kühne suggéra le terme d'enzyme pour tous les ferments et en 1898 Duclaux proposa le suffixe ase pour les nommer.
3) L'enzymologie moderne - quand les mathématiques s'en mêlent
En 1902, Henri et Brown suggèrent qu'un complexe enzyme-substrat se forme intermédiairement et Henri établi une relation entre la vitesse de réaction et la concentration en substrat.
En 1909, Sörensen observe l'effet du pH et en 1913, Michaelis et Menten publient leurs travaux sur l'influence de la concentration en substrat sur la vitesse de réaction : ils redécouvrent l'équation de Henri ! Cette relation est maintenant connu et utilisé sous le nom de Henri-Michaelis-Menten.
En 1925, Briggs et Haldane introduisent la notion d'état stationnaire.
En 1926 fut cristallisée la première enzyme, l'uréase, qui coupe l'urée en ammoniaque et CO2. Northrop et Coll cristallisèrent la pepsine, la trypsine et la chymotrypsine. Ils démontrèrent que ces cristaux de protéines étaient des enzymes pures, ce qui était jusque là difficilement admit.
Une fois posées les bases de la purification des enzymes par Otto Warburg au cours des années 30, il est devenu possible d'expliquer de façon moléculaire la fermentation alcoolique par la levure, la glycolyse dans le muscle, la luminescence chez le ver luisant et finalement la synthèse de l'ADN.
En 1955, Sanger donna la séquence de l'insuline qui comporte 600 acides aminés. Ce n'est qu'en 1966 que Merrifield et Wang en proposèrent une voie de synthèse.
La première détermination de structure d'enzyme au rayons X fut faite en 1957 sur la myoglobine.
En 1963, Cleland présenta un procédé uniforme pour écrire les équations des systèmes multiréactants puis en 1965, Monod, Wyman et Changeux présentèrent le modèle de l'allostérie pour les enzymes régulatrices dont la courbe de vitesse est sigmoïdale et non hyperbolique. Un an plus tard, Koshland, Nemethy et Filmer proposèrent un autre modèle fondé sur le principe de l'ajustement induit de Koshland.
4) L'ADN
En 1868, Miechler a l'idée d'analyser la substance se trouvant sur des pansements purulants en les soumettant à une hydrolyse. Il obtient un précipité dont il fait une analyse centésimale et qui contient carbone hydrogène azote oxygène phosphore et qui est acide. Il l'appelle nucléine (en fait il s'agit d'une nucléoprotéine).
Flemming est le premier a réussir à colorer ce qu'il noma la chromatine en 1880.
En 1889 Altman sépare les acides nucléiques de leur gangue protéique et en 1900, Wilson remarque que les chromosomes sont identiques en composition à la nucléine de Miechler.
Levene, en 1909, étudie l'effet de l'hydrolyse basique sur la levure. Il trouve ainsi que l'acide nucléique est composé de 4 nucléotides. En 1929, il effectue l'hydrolyse enzymatique du thymus et trouve également 4 nucléosides. Il a identifié les désoxyribonucléotides 20 ans après les ribonucléotides car les premiers sont moins stables, donc plus difficile a mettre en évidence.
En 1923, Griffith étudie la bactérie de la pneumonie. Il découvre que la souche S est virulente, alors que la souche R est inactive. 17 ans plus tard, Avery injecte l'acide nucléique R de cette bactérie dans une souche S et il obtient une souche non virulente. Il en déduit que les propriétés dépendent des acides nucléiques.
En 1932, Takahashi propose un modèle de structure de l'ADN :
En 1938, Hamarsten, Singer et Levene déterminent séparément le poids moléculaire de l'ADN, par biréfringence et ultracentrifugation.
William Thomas Astbury (19898 - 1961) étudie l'ADN par rayon X et trouve une structure linéaire avec des bases perpendiculaire à l'axe. Il en déduit que les phosphates sont à l'intérieur et les bases à l'extérieur. Cette erreur va retarder la détermination exacte de la structure tridimensionnelle de l'ADN.
Gulland démontre l'existence de liaisons hydrogènes dans l'ADN.
Linus Carl Pauling (1901 - 1994) voit des groupement OH pointant vers l'extérieur de la molécule d'ADN. Il en conclut, s'appuyant sur le modèle d'Astbury, que les bases sont sous forme énol.
Francis Harry Compton Crick (1916 - ) et James Dewey Watson (1928 - ), grâce notamment aux travaux de Rosalind Franklin (1920 - 1958) travaillant dans le groupe de Wilkins (rayon X de l'ADN hydraté), établirent qu'il existe 2 formes A et B de l'ADN et qu'il a une structure en hélice hautement cristalline. Ils pensent que la structure est un squelette sucre phosphate externe, les bases étant à l'intérieur. L'hélice à double brin, avec 2 axes de symétries est incompatible avec le modèle énol de Pauling. Ils en concluent que ce sont les cétones des bases qui forment les liaisons hydrogènes.
En 1944, Todd réalise la synthèse des désoxyoligonucléotides lui permettant de faire un ADN polymère 3',5' ester phosphate. Il fut récompensé pour ces travaux par le Prix Nobel de chimie en 1957.
Khorana réalise en 1957 la première synthèse de gène (environ 150 paires de bases). Actuellement, on utilise des appareils synthétiseur d'acide nucléique.