Naissance de la chimie inorganique

1) Les nouveaux éléments

Aucun élément nouveau n'a été trouvé entre 1844 et 1860. Ils étaient recherchés, à l'époque, par spectroscopie.

André-Marie Ampère (1775 - 1836), en 1813, avait fait apparaître la ressemblance entre le fluor et le chlore. En 1886, Henri Moissan (1852 - 1907) isole le difluor F2 avec un appareillage en platine.

2) Les valences variables

Thomas Edward Thorpe (1845 - 1925) propose en 1870 pour VOCl2 (qui venait d'être découvert) une structure de dimère, afin de préserver la valence 3 alors attribuée au vanadium :

VO2Cl4

Friedrich August Kekulé Von Stradonitz (1829 - 1896) propose la structure de composés moléculaires :

Sa théorie est validée par l'existence de l'équilibre PCl5 « PCl3 + Cl2 mais elle est infirmée par les mesures de masse et de densité (à cette époque, on ne différenciait pas équilibre et mésomérie, cette notion n'étant pas encore découverte).

Thorpe prépare PF5. Or, PF5 ne se dissocie pas comme PCl5 donc la théorie de Kekulé est rejetée.

3) Les premiers complexes et le monoxyde de carbone

La première utilisation des complexes revient à Libavius (1550 - 1615) qui observe la coloration bleue de l'un d'eux. En 1704, Diesbach, un fabricant de pigments pour artistes, isole le bleu de Prusse ([Fe(CN)6]3Fe4.

Leopold Gmelin (1788 - 1853) élabore un autre complexe : [Co(NH3)6]2(C2O4)3

A. Genth (1820 - 1883) publie en 1851 un rapport sur les complexes [Co(NH3)6]X3 et [Co(NH3)5H2O]X3 puis 35 complexes Co - NH3.

Le carbonate de soude est fabriqué par la méthode de Solvay :

2NaCl + CO2 + 2NH3 + H2O ® Na2CO3 (s) + 2NH4Cl

Ce milieu est très corrosif par la présence de NaCl, ce qui pose problème pour trouver un réacteur de fabrication. Or le nickel, qui est un métal résistant au sel, se corrode lors de cette transformation. En 1890, une industrie chimique a donc fait appel à Mond pour qu’il résolve ce problème. Il découvre la présence de traces de CO provenant de la combustion de la coke (servant à produire CO2 in situ). Or le nickel est très sensible au CO :

Ni + 4CO ® Ni(CO)4

Le complexe ainsi formé bout à température ambiante, ce qui dégradait le nickel. Il isole ainsi le premier complexe au CO.

Mond découvrit ensuite que le cobalt était aussi attaqué par le CO mais sous forte pression ce qui lui permit de résoudre un autre problème industriel de l’époque : la purification du minerai de nickel contenant des traces de cobalt.

L’alliage nickel-cobalt est réduit en poudre puis le nickel est complexé par CO. Après séparation de ce dernier, liquide, et du cobalt libre, solide, on récupère le nickel par craquage thermique du complexe de nickel.

4) La théorie de Blomstrand - Jorgensen

Blomstrand (1826 - 1897) qui s'intéressait beaucoup aux complexes cobalt - ammoniaque ne trouve pas de réactivité du NH3 dans le complexe Co(NH3)6Cl3. Il pense que l'ammoniaque est emprisonnée dans la molécule et ne peut donc pas réagir :

CoCl2(NH2-C2H4-NH2)2 selong Blomstrand

Jorgensen (1837 - 1914) pense lui que la forme est plutôt :

CoCl2(NH2-C2H4-NH2)2 selong Jorgensen

Alfred Werner (1866 - 1919) discute le modèle de Kekulé, notamment le principe de la constance de la valence. En 1893, il distingue pour les métaux, deux types de valences :

La valence est satisfaite soit par les anions, soit par des groupes qu'il appelle ligand. Le mélange métal + ligand + ion forme ce qu'il appelle un complexe de coordination.

Jorgensen s'oppose à la théorie de Werner. Ce dernier s'appuie alors sur des mesures physiques, principalement la conductivité (Kolbruch a montré que la mesure de la conductivité peut conduire à la détermination du nombre d'ions en solution).

Jorgensen réplique que l'ionisation du chlore n'est pas possible s'il est lié au métal. Werner répond que le chlore est tout à fait ionisable pour vu qu'il soit lié au métal par une liaison ionogène.

Jorgensen isole en 1889 CoCl2(NH2-C2H4-NH2)2 et trouve une isomérie de structure.

Werner explique cette isomérie géométrique :

Isomérie géométrique de CoCl2(NH2-C2H4-NH2)2

Jorgensen est étonné de l'explication de Werner et lui lance le défi suivant : si sa théorie est bonne, il doit donc exister dans CoCl3(NH3)4 une isomérie géométrique, qu'il la trouve !

C'est ce que fait Werner en 1907. Il réussi à isoler deux isomères de [CoCl2(NH3)4]Cl :

Isomérie de [CoCl2(NH3)4]Cl

Puis viennent 53 séries de complexes de cobalt et de chrome présentant une isomérie géométrique. Jorgensen est convaincu, cependant d'autres chimistes restent sceptiques et demandent à Werner de trouver une isomérie optique, car si sa théorie est bonne, il doit FORCEMENT en exister une !

Werner relève ce nouveau défi et la trouve en 1911 dans [CoClNH3(NH2-C2H4-NH2)4]2+ :

Isomérie optique de [CoClNH3(NH2-C2H4-NH2)4]2+

Malheureusement pour lui, il utilise comme anion pour former son sel du canfrosulfonate asymétrique, et ses détracteurs, avec toute la mauvaise foi dont ils regorgent, prétexteront que c'est uniquement à cause des carbones de l'anion que le composé est optiquement actif, car à cette époque, il était réputé que seul le carbone peut être optiquement actif.

Donc Werner se remet au travail et finit par trouver en 1914 un complexe chiral ne comportant aucun carbone : [Co(Co(OH)2(NH3)4)3]Br6 :

Isomérie optique sans carbone

Puis il trouve des isomères :

La chimie inorganique s'arrête à la mort de Werner et ne repartira qu'en 1940, lorsque de nouvelles méthodes de mesure apparaissent.