Le congrès de Karlsruhe et ses conséquences

1) Le Congrès de Karlsruhe

En 1857, Friedrich August Kekulé Von Stradonitz (1829 - 1896) pose sa théorie de la valence. Il montre la grande confusion qui existe chez les chimistes entre atomes et molécules et qu'il y a trop de nom pour une molécule (18 pour l'acide acétique).

Kekulé organise alors ce qui peut être considéré comme le premier congrès international de chimie, à Karlsruhe en 1860, afin de définir de façon plus précise les notions d'atomes, de molécule, d'équivalents, ...

Durant ce congrès qui dura 3 jours et réunit 127 participants, on n'a pas noté de grandes avancées, mais Stanislao Cannizzaro (1826 - 1910), chimiste italien, distribua un fascicule qui a marqué la plupart des participants. Dans ce fascicule (qu'il donnait à ses élèves), il explique la différence entre les atomes et les molécules. Ces idées ont, entre autre, amené Dimitri Ivanovitch Mendeleïev (1834 - 1907) à se pencher sur la classification car les éléments chimiques ne devaient pas être assemblés de façon anarchique ; et il pouvait être intéressant de comprendre les règles de leur organisation.

2) Les débuts de la Spectroscopie

Depuis 1858, on connaissait 44 éléments.

Andreas Marggraf (1702 - 1782), remarque qu'un sel de sodium et qu'un sel de potassium, mis dans une flamme, n'ont pas la même couleur. La lumière, émise par les sels dans la flamme, peut être résolue par des raies brillantes séparées d'espaces noirs.

William Hyde Wollaston (1766 - 1828) signale en 1802 que le spectre solaire est discontinu.

Joseph Von Fraunhofer (1787 - 1826), fabricant d'appareils d'optique, observe, en 1814, le spectre du soleil à travers d'un petit télescope. Il constate que les couleurs de l'arc-en-ciel sont elles aussi séparées par des raies noires. Il obtient les mêmes résultats en étudiant le spectre des étoiles : ces raies noires sont appelées raies de Fraunhofer.

Robert Wilhelm Bunsen (1811 - 1897) étudiait les eaux minérales. Pour analyser les spectres, il utilise les spectres de flamme (cela l'a d'ailleurs amené à mettre au point un nouvel appareil de chauffage : le bec Bunsen). Gustav Kirchhoff (1824 - 1887) lui conseille d'analyser la flamme après passage dans un prisme : le spectroscope est né ! Dès les premiers essais (1860), ils constatent que les raies spectrales sont caractéristiques des sels, cumulatives et sensibles, et prédisent qu'elle permettra de découvrir de nouveaux éléments. Kirchhoff remarque que si une lumière blanche intense traverse la flamme de sodium et est analysée, on observe une raie noire à la place de la raie jaune du sodium : il interprète les raies de Fraunhofer comme étant l'absorption de la lumière par les éléments que contiennent les corps célestes.

La même année, ils découvrent puis isolent le césium. Comprenant l'importance de cette méthode d'analyse, ils déclarent :
"L'analyse par le spectre offre aux investigations de la chimie un champ jusqu'à présent inexploré et dont les limites s'étendent même au-delà de notre système solaire. Comme cette nouvelle méthode d'analyse n'exige que l'observation par la vision d'un gaz incandescent, on comprend facilement qu'elle doit être applicable à l'atmosphère du soleil et à celle des étoiles fixes."

En 1861, ils découvrent le rubidium.

William Crookes (1832 - 1919) découvre le thalium en 1861.

En 1863, L'indium est découvert par Ferdinand Reich (1799 - 1882) et Jeremias Benjamin Richter (1762 - 1807), et en 1865, Bunsen isole le lithium.

Paul Emile Lecoq de Boisbaudran (1838 - 1912), un chimiste français, découvre le gallium puis le samarium.

3) La Classification des Eléments

Antoine Laurent de Lavoisier (1743 - 1794) classait les éléments suivant les propriétés des composés qu'ils formaient avec l'oxygène.

A partir du congrès de Karlsruhe, on cherche plutôt à classer les éléments en fonction des poids atomiques ou de fonctions dérivées. Il existait alors environ 15 classifications.

Odling (1829 - 1921), en 1864, a rangé les éléments par ordre ascendant de poids atomiques. Il ne s'intéressait pas aux propriétés de périodicité (non encore découverte), mais plutôt à la différence de poids atomiques entre éléments de propriétés identiques.

John Alexander Newlands (1837 - 1898), en 1866, en classant les éléments par ordre croissant de poids atomiques, s'aperçoit d'une répétition de propriétés tous les 7 éléments. De là, naîtra la "Loi des octaves".

Julius Lothar Meyer (1830 - 1895) découvre la périodicité des éléments, mais il lui a fallu beaucoup de temps et de problèmes pour arriver à ce résultat (encore une fois, à cette époque, on s'intéressait plus à la différence de poids atomique qu'aux phénomènes de périodicité).

C'est en 1870, après la première publication des travaux de Mendeleïev, qu'il met graphiquement en évidence la périodicité, en traçant le volume atomique, en fonction du poids atomique.

Mendeleïev se sert d'un jeu de cartes chimique. Un 1er article en 1869 puis sa table des éléments est publiée en 1871 et comporte 8 affirmations :

En effet, dans la classification, il y a trois inversions de position : I/Te, K/Ar, Co/Ni.

En 1871, il prévoit l'existence de trois éléments : l'ékaaluminium, l'ékabore, l'ékasilicium.

Il décrit également en détail les propriétés physiques des composés.

En 1875, un chimiste français, Paul Emile Lecoq de Boisbaudran (1838 - 1912) montre spectroscopiquement l'existence d'un nouvel élément. En traitant 4 tonnes de minerais de zinc, il en tirera 75g. Il s'agit de l'ékaaluminium, qu'il nommera le gallium.

En 1879, on découvre le scandium (ékabore), et en 1886, c'est le tour de l'ékasilicium : le germanium.

Le travail de Mendeleïev connait alors l'engouement général de la communauté sientifique.

Un autre chimiste, John William Rayleigh (1842 - 1919), a de l'intérêt pour ce travail de classification, et a entrepris une série de mesure précise de poids atomiques en prenant leur densité par rapport à l'air. Cela l'a amené à la découverte des gaz rares.

4) La découverte des Gaz Rares

En 1892, Rayleigh constate que la densité de l'azote, séparé de l'air atmosphérique, est un peu plus élevée que l'azote chimique obtenu par décomposition de l'ammoniac.

Il émet donc deux hypothèses :

Mais, comment vérifier ces hypothèses ?

William Ramsay (1852 - 1916) commençait une série d'expérience sur le N2 atmosphérique pour voir s'il contenait des éléments non encore détectés. A la fin de ses expériences, il reste un gaz résiduel. Son analyse spectroscopique montre des bandes caractéristiques de l'azote PLUS des nouvelles !

Montage utilisé par Ramsay pour éliminer l'air

De plus, à ce moment, Rayleigh reprend une ancienne expérience de Henry Cavendish (1731 - 1810) :

N2 + 5/2 O2 ® N2O5 , N2O5 + H2O ® 2NO3H

A la fin de celle-ci, il lui reste un gaz résiduel non réactif et dont le spectre contient de nouvelles bandes IDENTIQUES à celles de Ramsay : l'argon.

En 1895, Ramsay découvre un nouveau gaz en chauffant un minerai de cleverte : l'hélium, qui et aussi inactif que l'argon. De plus, le spectre de He présente une raie à l'emplacement d'une raie de Fraunhofer du soleil.

En 1898, Ramsay et Travers (1872 - 1961), par distillation fractionnée de l'air liquide, découvrent Kr, Ne et Xe. Il existe donc une 8e colonne entre les halogènes et les alcalins : les gaz rares.