DAVY Humphry (1778-1829)

Le plus grand savant peut-être de l’époque romantique, l’Anglais Humphry Davy est certainement l’une des figures les plus fascinantes de l’histoire des sciences. En 1801, moins de cinq ans après avoir lu son premier manuel de chimie, il assurait un cours sur les principes chimiques du tannage et dirigeait un laboratoire à la Royal Institution. Avant sa trentième année, il effectua, en électrochimie, des travaux immédiatement admis comme fondamentaux. Les comptes rendus qu’il en fit à la Royal Society (Bakerian Lectures) furent rangés par Berzelius " parmi les meilleurs mémoires dont on ait jamais enrichi la théorie de la chimie ". Quelques années après, il défendit avec succès la thèse de la nature élémentaire du chlore, renversant ainsi la théorie lavoisienne des acides oxygénés. Les recherches de Davy en électrolyse furent à la base de celles de Faraday, son assistant à la Royal Institution, puis de celles de Hittorf, Kohlrausch et pour finir d’Arrhenius. Son approche de l’affinité chimique fut développée par Berzelius dans tout un système, le " dualisme ", qui domina la chimie pendant une génération.

Premières recherches

Davy passa son enfance en Cornouailles et, après une scolarité médiocre, devint apprenti chez un chirurgien-apothicaire. Il fixa lui-même son programme d’éducation ; la lecture, en 1797, du Traité élémentaire  de Lavoisier l’introduisit à la chimie. Invité en 1798 par Thomas Beddoes à devenir son assistant à la Pneumatic Institution de Bristol, il y étudie les applications possibles des gaz en médecine. C’est à Bristol qu’il rencontre Coleridge, dont il devient l’ami. Davy avait auparavant envoyé à Beddoes un essai sur la chaleur et la lumière, relatant les expériences qu’il avait faites pour démontrer que la chaleur n’était pas un fluide subtil comme Black, Lavoisier et la plupart des chimistes contemporains le pensaient. Davy l’assimilait, comme Newton, à une forme du mouvement ; mais il pensait que la lumière était une forme de la matière et que, à ce titre, elle pouvait entrer dans des combinaisons chimiques. Parmi ses expériences, on peut citer la fusion de la glace dans le vide par frottement de deux morceaux l’un contre l’autre ; ces recherches étaient évidemment moins convaincantes que celles de Rumford, à la même époque, sur l’alésage des canons, mais elles sont la première manifestation de l’habileté expérimentale de Davy. Beddoes publia ce texte en 1799 ; Davy en répudia bientôt le contenu hypothétique.

En 1800, il publia les résultats de ses expériences de chimie et de physiologie, faites à Bristol, sur les oxydes d’azote et particulièrement l’oxyde nitreux qu’il fut le premier à respirer. Le compte rendu subjectif qu’il fait de l’anesthésie par l’oxyde nitreux est l’un des meilleurs jamais rapportés. En 1800, Volta annonce la découverte de la production de l’électricité entre deux métaux dissemblables plongés dans un électrolyte ; ces expériences sont reprises en Angleterre par Nicholson et Carlisle, qui décomposent l’eau au moyen du courant électrique produit par la " pile ". Davy se passionne aussitôt pour ces recherches et publie deux rapports décrivant l’un l’arc au carbone, l’autre une batterie formée de deux fluides différents et d’un seul métal, dispositif repris plus tard par A. C. Becquerel. Davy croyait, comme Wollaston, que l’électricité résultait d’une réaction chimique et non pas du seul contact entre les métaux et l’électrolyte.

En 1801, il obtint un poste à la Royal Institution, qui venait d’être fondée ; au cours de l’année suivante, il y devint professeur et présida à la transformation du simple collège technique en un centre de recherches approfondies soutenu par des conférences destinées à une audience mondaine. Son attention était tournée en premier lieu vers les techniques, particulièrement la chimie du tannage et celle de l’agriculture. La Royal Society, dont il devint membre en 1803, lui attribua, en 1805, la médaille Copley pour son travail sur le tannage. Ses Elements of Agricultural Chemistry , publiés en 1813, restèrent l’ouvrage de référence jusqu’à la publication des travaux de Liebig.

Découvertes en électrochimie

Le problème des transformations chimiques produites par l’électricité intéressa des chercheurs aussi différents que Biot, Cuvier, Fourcroy, Œrsted et Ritter.

Au cours de l’électrolyse de l’eau, il y a bien libération d’oxygène et d’hydrogène, mais la présence d’acides et de bases est décelée autour des électrodes. Davy pensait qu’elle provenait de gaz dissous, d’azote notamment, et des impuretés de l’eau, dues peut-être à l’appareillage. Aussi se servit-il, en 1806, d’eau distillée dans des appareils en argent ; il effectua l’électrolyse, sous atmosphère d’hydrogène, dans des récipients en agate et en or ; l’oxygène et l’hydrogène étaient alors les seuls produits obtenus. L’électricité n’engendrait donc pas de nouvelles substances mais elle était par contre un instrument d’analyse plus puissant que la chaleur. L’année suivante, Davy isole le potassium par passage du courant électrique dans un morceau de potasse légèrement humide ; peu de temps après, il obtient du sodium à partir de la soude. Les extraordinaires propriétés de ces nouveaux métaux, leur réactivité extrême et leur faible densité donnaient à ces recherches un caractère sensationnel. La publication des résultats de ses travaux en 1806 lui vaut le prix de l’Académie des sciences créé par Napoléon pour récompenser " celui qui, par ses expériences et ses découvertes, fera faire à l’électricité et au galvanisme un pas comparable à celui qu’ont fait faire à ces sciences Franklin et Volta ". Gay-Lussac et Thénard découvrirent rapidement une meilleure méthode pour isoler le potassium et ce métal devint un important réactif chimique. Berzelius, adaptant les techniques de Davy, se servit d’une cathode à mercure pour isoler les métaux alcalino-terreux.

Davy pensait que l’électricité et l’affinité chimique étaient deux manifestations d’une même énergie mais il s’est toujours opposé à la construction d’un système à partir d’hypothèses. Ses contemporains soulignent sa hardiesse, sa fougue et son opportunisme qui contrastaient avec le sang-froid et la circonspection dont faisait preuve Wollaston.

La nature du chlore

Lavoisier avait supposé que tous les acides contenaient de l’oxygène, bien qu’il n’en ait pas trouvé dans l’acide " muriatique " (l’acide chlorhydrique actuel). Le gaz verdâtre préparé par Scheele à partir de l’acide muriatique était pour lui un oxyde supérieur, l’acide " oxymuriatique ". Berthollet fit sienne cette doctrine lors de ses importants travaux sur cette substance ; ses élèves Gay-Lussac et Thénard adoptèrent également ce point de vue lorsqu’ils étudièrent, en 1809, l’acide muriatique. Ils déclarèrent toutefois que certains faits expérimentaux s’expliqueraient très bien si l’acide oxymuriatique était un élément et l’acide muriatique son hydrure. Davy se fit, en 1810, l’interprète de leurs expériences et des siennes propres, démontrant que l’oxygène n’était jamais libéré par ces substances en l’absence d’eau, qui contient précisément de l’oxygène. Il donna donc le nom nouveau de chlore à l’acide oxymuriatique et attribua l’acidité, non pas à la présence d’un élément particulier, mais à des " combinaisons particulières de la matière ". Il résuma ses recherches dans son traité Elements of Chemical Philosophy  (1812), puis, malgré la guerre, effectua un voyage en France (1813). Ampère, Clément et Desormes lui montrèrent une substance cristalline qui, chauffée, émettait des vapeurs violettes. Il reconnut vite les analogies qu’elle présentait avec le chlore – c’était l’iode – et prit de vitesse Gay-Lussac dans la détermination de ses propriétés. Les idées de Davy sur la nature du chlore furent difficilement acceptées, Berzelius étant l’un des derniers convertis. Davy fit ensuite des recherches sur le diamant et le charbon, qui le convainquirent de l’identité chimique de ces derniers et de ce que les différences de leurs propriétés physiques devaient également résulter d’arrangements différents des particules.

La lampe Davy

Davy retourna en Angleterre en 1815 et on lui demanda aussitôt d’étudier les explosions qui avaient causé de nombreux désastres dans les mines de charbon du fait de l’augmentation de la production au cours de la révolution industrielle. Il identifia le gaz explosif comme étant un mélange de méthane et d’air et remarqua que dans les tubes étroits le mélange n’explosait pas, la chaleur dégagée étant dissipée trop rapidement. Il découvrit alors qu’une toile métallique empêche de la même façon les explosions et qu’une lampe dont la flamme est entourée d’une telle toile ne présente plus aucun danger. Bien plus, un changement de couleur de la flamme avertit de la présence d’une atmosphère explosive. La lampe de sûreté fut rapidement adoptée partout et la production de charbon augmenta considérablement, bien que quelques explosions se produisissent malgré tout du fait de lampes mal entretenues ou placées dans des courants d’air excessifs.

Davy fut nommé baronet, puis élu, en 1820, président de la Royal Society. Il s’efforça, sans grand succès, de convaincre le gouvernement d’aider davantage la recherche scientifique. En 1826, sa santé déclina brutalement et il passa le reste de sa vie principalement en Italie et en Autriche. Après sa mort, à Genève, fut publié son livre le plus populaire, Consolations in Travel, or the Last Days of a Philosopher , écrit sous forme de dialogue, méditation sur la science, la métaphysique et la théologie.

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